Questionne-t-on si l’Achoura possède une signification uniforme pour tous les musulmans ou révèle-t-elle des contrastes marqués entre Sunnites et Chiites?
Le dixième jour de Mouharram, inaugurant le calendrier de l’Hégire, accueille l’Achoura. Ce jour, l’un des quatre mois sacrés pour Allah(swt)1, tient une place de choix dans la spiritualité musulmane. Sa célébration, bien que non officielle en Islam1, revêt une grande importance.
Pour les sunnites, cette journée commémore la délivrance de Moussa des griffes du pharaon, marquée par un jeûne de reconnaissance2. À l’inverse, les chiites pleurent le martyre de l’Imam Hussein, tué à Kerbala. Le Prophète Mohammed (ﷺ) préconisait de jeûner à Achoura, en mémoire de l’évasion de Moïse. Pour s’éloigner de la pratique juive, il conseillait également de jeûner un ou deux jours de plus, avant ou après2.
Les divers rituels et coutumes liés à l’Achoura, comment illuminent-ils ces distinctions? Comment approfondissent-ils notre perception de la foi islamique?
Origines et Étymologie de l’Achoura
L’Achoura est célébrée le 10e jour du mois de mouharram, premier mois du calendrier musulman3. Elle symbolise le deuil et invite la communauté musulmane à la réflexion. Pour comprendre sa profondeur, il est crucial d’explorer l’Étymologie et l’Histoire d’Achoura. Cela nous permet de saisir son importance vitale.
Étymologie du terme « Achoura »
« Achoura » vient de l’arabe « ʿašara », signifiant « dix ». Cela fait référence au dixième jour de mouharram4. À l’origine, le Prophète Muhammad a établi ce jour pour rappeler des événements clés, notamment le jour de Kippour. Plus tard, le jeûne de Ramadan a remplacé celui d’Achoura4.
Origines historiques de la célébration
La célébration d’Achoura a des origines sunnites et chiites. Pour les sunnites, elle commémore le Prophète Moïse. Les chiites, eux, se rappellent du martyre de Hussein, petit-fils de Muhammad, à Kerbala en 68034. Cet événement tragique, marquant la mort de Hussein et 72 membres de sa famille, est central dans la foi chiite3. Des rites comme visiter des tombes, participer à des processions et au théâtre religieux en Iran, désormais reconnu par l’UNESCO, caractérisent cette journée4.
Que ce soit par le jeûne, les processions ou la charité, l’Achoura a une portée significative. Sa célébration est ancrée dans des traditions et une piété qui traversent les siècles.
Signification de l’Achoura pour les Sunnites
La célébration de l’Achoura est fondamentalement importante dans la tradition sunnite. Elle se déroule le dixième jour de Muharram, marquant le premier mois du calendrier islamique5.
Le jeûne de Moussa (Moïse)
Le *jeûne de Moussa* symbolise une des coutumes les plus profondes liées à l’Achoura parmi les sunnites. D’après les récits, le Prophète Muhammad (paix et bénédictions sur lui) a établi ce jeûne en 622. Il a adopté cette pratique après avoir vu les Juifs de Médine jeûner en mémoire des événements de la mer Rouge avec Moussa. Afin de créer une distinction, il suggéra de jeûner soit le 9e et 10e soit le 10e et 11e jour de Muharram6. Ce faisant, l’objectif était d’exprimer la gratitude envers Allah pour sa délivrance et d’effacer les péchés commis7.
Pratiques recommandées pour les Sunnites
Les pratiques autour de l’Achoura pour les sunnites varient. Elles incluent jeûner uniquement le dixième jour, ou bien jeûner un jour avant et après, voire pendant trois jours consécutifs (les neuvième, dixième, onzième jours de Muharram)7. Cette tradition de jeûne représente une chance de purifier l’âme des péchés de l’année échue7. Bien que ce jeûne soit grandement encouragé, il demeure une pratique volontaire parmi les sunnites5.
Outre le jeûne, effectuer des actes de bonté et de charité est aussi préconisé. La *Commémoration Achoura* devient une période pour fortifier sa foi et exprimer sa gratitude envers Allah pour ses nombreuses bénédictions. Au Sénégal, la célébration, ou «Tamxarite», débute le soir du 16 juillet 2024, avec des festivités incluant des repas conviviaux6.
Signification de l’Achoura pour les Chiites
Pour les chiites, l’Achoura revêt une importance majeure, tant sur le plan religieux qu’historique. Célébrée le dixième jour du mois de Mouharram, elle lance une période de deuil de quarante jours89. Cette date clé commémore le sacrifice de l’Imam Hussein, un des successeurs du Prophète Mohammed, lors de la bataille de Kerbala en 680810
Le martyre de l’Imam Hussein
L’Imam Hussein, petit-fils du Prophète Mohammed, occupe une place de choix dans le cœur des chiites. Sa mort tragique à Kerbala symbolise l’essence même de l’Achoura Chiisme89. Avec 72 compagnons et membres de sa famille, il fut tué, marquant les esprits par sa tristesse profonde mais aussi par son engagement inébranlable envers sa foi9.
Commemorations et pratiques rituelles
Les commémorations chiites de l’Achoura sont empreintes d’une profonde affliction, illustrées par des processions où la douleur est publiquement affichée. Lors de ces défilés, certains fidèles pratiquent la flagellation pour témoigner de leur peine et de leur lien avec Hussein10, un acte nommé tatbir, sujet à controverses8. Durant cette journée, jeûner permet de solliciter le pardon pour les péchés de l’année écoulée8. Ces célébrations se diversifient selon les régions, avec notamment des enfants récoltant des dons ou des sucreries9.
Pour les chiites, Achoura dépasse la simple célébration. C’est un moment de méditation intense et de communion avec les épreuves endurées par l’Imam Hussein. Elle affirme l’identité chiite, unifiant la communauté à travers les rites Achoura Chiites10.
Différences entre Sunnites et Chiites pendant l’Achoura
Les cérémonies d’Achoura illustrent clairement les différences entre Sunnites et Chiites. Les Sunnites, majoritaires avec environ 85% des musulmans dans le monde, marquent le 10e jour de Moharram. Ils observent un jeûne dédié à la mémoire du prophète Moussa (Moïse)1112. De leur côté, les Chiites, qui représentent presque 15% des adeptes de l’islam, principalement localisés en Iran et en Irak, vivent ce jour comme un deuil. Ils commémorent le martyr de l’Imam Hussein, tué à la bataille de Kerbala en 6801113.
Les coutumes de ces deux branches divergent fortement. Les Chiites se distinguent par des processions et des actes de lamentation publiques. Pendant ces rituels, certains portent des linceuls blancs et se livrent à l’autoflagellation pour manifester leur peine12. Ils se rassemblent aussi en grand nombre au mausolée de l’Imam Hussein à Kerbala, exprimant leur adulation profonde1213.
En contraste, les Sunnites pratiquent le jeûne et la prière durant l’Achoura. Ils s’abstiennent des formes extrêmes de deuil que l’on observe chez les Chiites1112.
En définitive, l’Achoura révèle de profondes divergences entre Sunnites et Chiites en termes d’interprétation et de tradition au sein de l’islam. Cette différence est palpable même dans leurs pratiques religieuses quotidiennes. Toutefois, ils adhèrent à des pratiques communes comme les cinq prières quotidiennes11. Ces célébrations d’Achoura mettent en exergue les distinctions historiques et doctrinales, accentuant l’unicité de chaque branche de la foi islamique.
Pratiques et Traditions de l’Achoura dans le Monde Musulman
À travers le Monde Musulman, l’Achoura se célèbre de mille manières, reflétant la diversité culturelle. Le Maroc, par exemple, est connu pour ses aspersions d’eau et les fêtes destinées aux enfants, insufflant joie et sentiment de purification. Ces moments festifs renforcent également les liens au sein des communautés. On y trouve des jeux d’eau et la distribution de confiseries, marquant de façon joyeuse cette période spirituelle.
Aspersion d’eau et festivals pour enfants au Maroc
L’aspersion d’eau symbolise le renouveau et la purification pour les jeunes marocains. Ces célébrations apportent joie et rire, renforçant l’unité familiale autour de valeurs telles que la solidarité. Les autorités supervisent l’usage de pétards pour garantir la sécurité. Un projet de loi encadre les explosifs civils, pour prévenir les accidents – blessures ou brûlures14.
Actes de charité et zakat al-mal
Les actes de charité tiennent une place centrale durant l’Achoura, notamment à travers la zakat al-mal. Cette tradition de générosité envers les moins fortunés symbolise gratitude et purification des biens. En Tunisie, les repas partagés, notamment la viande d’Achoura, sont essentiels pour tisser des liens sociaux15. En Iran, la distribution de soupes rituelles illustre également l’entraide et la cohésion communautaire pendant cette période16.
Les pratiques d’Achoura témoignent de la richesse des traditions musulmanes, soudant l’identité et la solidarité des communautés. Du Maroc à la Tunisie, ces traditions soulignent l’importance de la solidarité. Elles reflètent une dévotion profonde et partagée durant ces moments sacrés.
Achoura Islam : Une Fête de Recueillement et de Dévotion
L’Achoura nous invite à chercher le pardon, marquant une journée intense de prières. Les musulmans y voient un moment clé pour se purifier l’âme. Le jeûne sert à s’expier des fautes, une tradition datant du temps du Prophète Muhammad (SAWS)17. Cette pratique vise à se rapprocher d’Allah en purifiant son esprit.
Importance spirituelle et expiation des péchés
Le jeûne d’Achoura, bien que facultatif, est valorisé pour ses effets bénéfiques. Abu Huraira rapporte les paroles du Prophète (SAWS) : le meilleur jeûne après Ramadan est celui du mois de Muharram18. Les fidèles aspirent à être pardonnés pour les péchés de l’année écoulée grâce à ce jeûne17. Cette pratique souligne la profondeur spirituelle de l’Achoura.
Activités recommandées: jeûne, prière, récitation du Coran
La prière et la récitation du Coran accompagnent le jeûne durant Achoura. Ces activités renforcent la foi des croyants. Elles sont une occasion de réfléchir aux sacrifices du Prophète et des siens. Muhammad valorisait le mois de Muharram, le désignant comme le « mois d’Allah »18. En s’adonnant à ces pratiques, les musulmans renouvellent leur foi et se connectent à Dieu.